Toi, l’Homme, le bonhomme, fort, puissant, chef de famille, vas-tu aller consulter avant de passer tes nerfs sur tes enfants ou ta femme ? Ou t’échapper dans l’alcool, la drogue ou les médicaments pour mieux dormir ? Ou passer des heures derrières ton écran même après tes heures de travail ? Ou aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs ? Quand ?
Quand vas-tu avoir le courage de faire comme Patrick ? De quoi as-tu peur ? De tes émotions ? Des larmes qui pourraient couler ? De passer pour quelqu’un de malade et de faible ?
Viens, prends rendez-vous !
Tu verras, ça fait du bien ! Tu seras encore plus fort en te regardant avec fierté dans le miroir, en serrant avec amour tes enfants et ta femme dans les bras!
Je suis toujours surpris par le peu d’hommes qui vont en consultation chez un thérapeute ou qui suivent des formations autres que « manager », « chef de projet », etc…
Et pourtant, il existe des hommes courageux….
Voici l’histoire de Patrick justement.
Il y a quelques jours, j’ai reçu Patrick (prénom d’emprunt). C’était la 3ème fois que je l’accompagnais.
C’est un homme de moins de 40 ans, marié, deux enfants. Il a eu une enfance comme beaucoup, avec des parents divorcés, une éducation parfois « à la dure », une scolarité normale.
Il a changé 4 x de d’emploi depuis qu’il est en âge de travailler. Une vie tout à fait dans la « norme ».
Aujourd’hui, il travaille dans le domaine des transports routier. Il livre des marchandises dans des petits commerces. Patrick aime son travail. Son véhicule, c’est sa bulle. Personne ne le dérange quand il est au volant. Et puis, il ne reste pas trop longtemps avec les clients qu’il livre car il doit reprendra la route.
Il est bien dans sa bulle. Personne ne le touche, personne ne lui parle. Il se sent protégé dans sa bulle à quatre roues.
Quand il rentre à la maison, ses enfants et sa femme sont contents de le voir. Parfois, ses enfants lui sautent dans les bras. Patrick, lui, se sent envahi, il veut qu’on lui foute la paix. Pourtant, il aime sincèrement sa famille. Il a d’ailleurs changé d’emploi il n’y a pas si longtemps afin de passer plus de temps avec eux. Il avait auparavant des horaires irréguliers.
Certains jours, c’en est trop pour lui. Alors il monte le ton, il gueule et parfois, il a carrément envie de les frapper (comme le faisait son père… vous savez, la « bonne claque »). Ses enfants ne comprennent pas et lui, ça le rend triste.
Il ne comprend pas pourquoi il est comme ça. Ca le rend triste et ça l’énerve !
Patrick est un homme droit dans ses bottes. Un homme qui rend souvent service. Un homme respectueux, avec de belles valeurs. Pourquoi, ne se sent-il pas bien quand il rentre ?
Lors de la dernière séance, nous en discutons. Je pose quelques questions.
Tout d’un coup, un prénom ! Qui est-ce ?
C’est un jeune, connu il y a plus de 10 ans, lors d’un précédent travail. Un jeune avec qui il avait eu une altercation. Un jeune qui lui a fracassé les dents avec un casque de moto. Patrick a dû se faire remplacer trois dents ! Le jeune, lui, a été condamné mais libre de ses mouvements par la suite, il venait le narguer de temps en temps.
Suite à cet « incident », l’entreprise pour laquelle il travaillait, ne lui a pas proposé de suivi psychologique. Et puis de toute façon, Patrick, c’est un homme ! Il est plus fort que ça quand même !
Lorsque Patrick informe sa hiérarchie que le jeune en question continue de le narguer, celle-ci lui dit d’aller porter plainte. Et la police elle, dit qu’elle ne peut rien faire car il n’y a pas de mesure d’éloignement. Mais Patrick, c’est un bonhomme, un homme, il prend sur lui. Il est fort. Il en parle parfois autour de lui, vidant ainsi son sac, sa colère.
Les années passent. Ses enfants grandissent. Sa colère au fond de lui aussi.
Il me dit « Tu crois vraiment que c’est à cause de ce jeune ? C’est réglé ça ! C’est du passé ! »
J’observe son visage qui se ferme, sa mâchoire qui se crispe, sa voix qui change… Le passé est toujours bien présent. Le traumatisme est toujours bien là, conditionnant sa vie actuelle.
Patrick est en sécurité dans sa cabine, sa bulle, de conduite. Dès qu’il y sort, il y a danger.
Alors quand ses enfants courent le saluer, il ne le sait pas, mais il le vit comme une agression….
Nous travaillons ensemble sur un protocole de stress post traumatique.
A la fin de la séance Patrick me regarde droit dans les yeux et me dit « Mais en fait, ce n’est pas de ma faute ! »
Effectivement Patrick, ce n’est pas de ta faute !
Patrick pleure et moi aussi. « Non Patrick, ce n’est pas de ta faute ! »
Patrick et moi connaissions une personne qui s’est suicidé peu de temps après avoir eu un accident durant son travail. Un homme s’est fait écrasé sous son véhicule professionnel. Il hurlait durant ce qui peut paraître des heures pour celui qui entend. Cette personne a été autorisée a travaillé le lendemain par son employeur. Sans assistance psychologique !
Il n’en dormait plus. Mais c’était un homme ! Ça va aller ! Quelques cachetons pour dormir, un peu d’alcool ! Il a été retrouvé pendu, chez lui, par son épouse.
Patrick est reparti soulager, avec le sourire. Une boule en moins dans son ventre.
Il a retrouvé les siens heureux !
Je ne peux m’empêcher de me dire que si ces hommes avaient été accompagné, pris en charge de suite, l’un des deux n’aurait pas commis l’irréparable et l’autre aurait passé plus de temps en compagnie de sa femme et enfants.
Et toi bonhomme ? Quand vas-tu prendre rendez-vous ?
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